Expertise extrajudiciare

 

Qu'est-ce que l'expertise extrajudiciaire (amiable) et dans quelle tendance s'inscrit-elle?

Nous en donnons ici la définition en droit français, qui a pour source le bulletin de la Cours de Cassation (N° 632 du 15/01/2006).

"Il convient d’apporter une précision terminologique, conduisant à distinguer l’expertise judiciaire de l’expertise extra-judiciaire, qu’elle soit unilatérale ou amiable.

L’expertise judiciaire est celle, ordonnée par le juge, en application des dispositions des articles 143 à 174, 232 à 248 et 263 à 284-1 du nouveau Code de procédure civile. Quant à "l’expertise" ordonnée en application de l’article L. 621-8 du Code de commerce, si elle peut recevoir cette qualification dans la mesure où elle est aussi ordonnée par un juge, les règles de l’expertise judiciaire ne lui sont cependant pas applicables (Com., 24 novembre 1998, pourvoi n° 94-19.890 ; 16 février 1999, pourvois nos 96-21.669 et 96-22.489 ; 8 juin 1999, Bull., IV, n° 120, p. 98).

L’expertise unilatérale, qualifiée généralement d’expertise officieuse, est une expertise extra-judiciaire, sollicitée par une partie à un litige auprès d’un expert qu’elle rémunère. Nous intervenons dans ce contexte en tant qu'expert privé.

L’expertise amiable,  est une expertise extra-judiciaire diligentée à la demande d'une des parties dans le vocabulaire courant, mais dans sa définition exacte à la demande conjointe des parties concernées, en vertu d’une clause contractuelle ou d’un accord, soit par un expert désigné d’un choix commun, soit par deux experts choisis respectivement par chaque partie. Notre pratique de ce type d'expertise s'inscrit dans le cadre de la procédure participative et conventionnelle au titre du décret d'application de l'ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011 et qui consiste à rechercher un accord mettant fin à un différend assisté par des avocats. Cette procédure, dite conventionnelle, donne la possibilité aux parties de faire appel un technicien suivant les mêmes principes qu'une expertise extrajudiciaire en complément ou indépendemment des avocats (voir décret du 20 janvier 2012 sur legifrance). Cette procédure s'inscrit donc dans un processus de médiation intégrant une expertise pouvant être produite en justice. En ce sens il s'agit d'une expertise amiable. Nous intervenons au titre de technicien tel que défini dans cette procédure. 

Aussi, si certains arrêts paraissent assimiler l’expertise unilatérale et l’expertise amiable (1re Civ., 13 avril 1999, Bull., I, n° 134, p. 87 ; 24 septembre 2002, Bull., I, n° 220, p. 169), il est, en revanche, essentiel de faire la distinction entre l’expertise judiciaire et l’expertise extra-judiciaire, leurs régimes étant différents dans la mesure où seule la première est régie par les dispositions spécifiques du nouveau Code de procédure civile et où la seconde ne relève d’aucun régime particulier mais doit néanmoins être soumise à la contradiction lors du débat judiciaire.

 

Les expertises peuvent donc être classées en deux catégories : les expertises privées ou officieuses, et les expertises judiciaires (civiles/commerciales et pénales). Les expertises privées se déroulent dans un cadre contractuel où l'avis de l'expert est requis à titre personnel ou conciliatoire.

Certains pays consacrent l'expert des parties, (droit anglo-saxon), d'autres l'expert du juge (droit continental). Mais cette différence, d'ailleurs présentée souvent comme une des illustrations des différences séparant les pays de "common laws" et les pays de droit civil, doit fortement être relativisée comme nous pouvons le constater de par le point de vue de la cour de cassation. Aucun des deux systèmes n'exclue l'un ou l'autre type d'expertise.

Mieux encore, nous assistons à une forme d'harmonisation entre ces approches, allant dans le sens du procès contradictoire (par opposition au procès accusatoire et inquisitoire) et vers des modes de règlement consensuels des conflits, certainement sur le plan européen, non  pas dans le but d' harmoniser pour harmoniser, mais parce qu'il y a tout simplement une utilité à développer des modes différents de solutions aux conflits face à la croissance de la demande juridictionnelle et que le juge ne peut plus apporter à tous les conflits une réponse rapide, lisible et à coût réduit (tant pour les parties que l'état).

Aussi, dans le cadre d'une procédure judiciaire, le principe contradictoire conduit même à renforcer le pouvoir du juge et en conséquence à mettre en évidence un principe de coopération des parties et du juge.

L'expertise extrajudiciaire (ainsi que la médiation judiciaire et conventionnelle) s'intègre dans ce mouvement qui a pour vocation à se généraliser. Pour ne citer qu'un exemple dans ce contexte, la nouvelle loi espagnole de procédure civile a consacré le principe de l'expert choisi par chaque partie, tout en consacrant une part importante au système de l'expert judiciaire qu'elle retenait jusqu'alors.

En France, il est d'usage que le juge désigne pour expert le technicien sur lequel les parties sont tombées d'accord, étant cependant précisé qu'elles peuvent se faire assister lors d'une mesure d'instruction (ex: art 161 CPC), ce qui vise non seulement l'assistance juridique de leurs avocats, mais aussi l'assistance technique de leurs propres experts et qu'il est admis qu'un rapport d'expertise extrajudiciaire peut toujours valoir comme élément de preuve, (Cass. 1ere civ., 13 avr. 1999, Bull. I, n° 134).

Bien que les règles de droit soient bien sur spécifiques au Grand-Duché de Luxembourg et en Belgique, les principes de fonds décrits plus haut sont également d'application.

(sources: Théorie générale du procès, Loïc Cadiet, Jacques Normand, Soraya Amrani Mekki, Themis droit PUF, février 2010/ Droit Judiciaire Privé, Pierre Julien, Natalie Fricero, L;G.D.J, lextenso éditions, 2009,/ Avis de la Cours de Cassation)

Tags: amiable, expertise, officieuse, unilatérale

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